Paris sera toujours Paris. Qu’est-ce que tu veux qu’il fasse d’autre ?

Paris République

Vendredi 13 novembre. La lumière tombe peu à peu en dehors de la boutique où je suis venue donner un coup de main pour la fermeture. Il commence à faire froid, et la fatigue de la semaine commence à se faire sentir. Peu importe, à 21h, j’ai rendez-vous avec mes amis à Odéon. C’est le week-end, et comme à notre habitude, nous allons partager un bon moment autour une pinte et décompresser. Ce vendredi 13 novembre, nous avions rendez-vous dans un bar à Odéon. La semaine dernière, j’avais donné rendez-vous à un ami à République. Une autre fois, à Oberkampf. Une autre fois encore, aux Halles. Ces endroits de Paris sont mes repères autant que mes repaires. L’on s’y sent bien, l’atmosphère est chaleureuse, l’on y construit des souvenirs.

Mais ce vendredi 13 novembre, alors que les premières effluves d’alcool commençaient à nous monter au cerveau, une amie est descendue au sous-sol du bar où nous rigolions en sirotant un cocktail. Criant plus fort que le chanteur du groupe qui se produisait sur scène ce soir-là, elle nous apprend que deux attentats viennent de se produire. On attrape nos sacs et on sort rejoindre les autres. Les autres, ce sont nos « collègues » journalistes, branchés sur les chaînes d’informations en continu qui commencent à faire parvenir les nouvelles macabres : plusieurs attaques armées auraient eu lieu dans la capitale française, touchant le stade de France où l’équipe nationale jouait contre l’Allemagne, le Bataclan où se déroulait un concert, et des cafés dans plusieurs quartiers. Un couple d’amis arrive, l’air hagard, et témoigne de la scène à laquelle ils ont assisté en face du Petit Cambodge, où ils faillirent dîner ce soir-là. Pour le moment, personne ne comprend ce qui est réellement en train de se produire. Rapidement, le besoin de situer nos proches se fait sentir : parents, amis, l’on cherche dans nos répertoires qui aurait pu se trouver dans les zones touchées au moment des attentats. Plusieurs amis sont à République, l’un dans le métro, une autre cloîtrée chez elle. D’autres avaient posté des photos du match sur Facebook, et rapidement on tente de les joindre pour se rassurer. Les informations tombent au compte-gouttes, alors que depuis la rue où nous nous trouvons, l’on entend les sirènes de police et de pompier qui traversent la ville à toute vitesse. Tout le monde s’organise afin de rentrer au plus vite se mettre à l’abri. Dans les bars avoisinants, le match au stade de France est terminé, et l’on commence à avoir plus de visibilité sur ce qui s’est passé là-bas. Le nombre de morts augmente, peu à peu. Les premières images inondent nos fils Twitter. Les nouvelles des proches aussi. Ce vendredi 13 novembre, tous mes proches ont échappé à la barbarie. Je suis rentrée saine et sauve chez moi. Je me sens incroyablement chanceuse. Tout le monde ne peut pas en dire autant.

Samedi 14 novembre, jamais un réveil n’a fait aussi mal. Pendant deux secondes, je chasse de mon esprit les images de la veille en me disant que ce n’était qu’un mauvais rêve. Rapidement, les nombreux messages et flashs d’informations qui s’affichent sur mon iPhone me ramènent à la réalité. Enroulée dans ma couette, des larmes coulent sans que je puisse les arrêter. Alors que je suis rentrée vivante à la maison, d’autres cherchent leurs proches, faisant tourner leur photo sur les réseaux sociaux. Le Président a annoncé trois jours de deuil national, mais il en faudra beaucoup plus pour commencer à réfléchir sereinement à ce que notre pays vient de traverser. Dans notre malheur collectif, des gestes de solidarité exceptionnels comme ces queues immenses de gens venus donner leur sang, redonnent espoir. Les témoignages de rescapés, souvent aidés par d’autres au péril de leur propre vie, filent la frousse et glacent le sang.

Dimanche 15 novembre, on commence à mettre des mots sur ce qui s’est passé durant les dernières heures. On se téléphone, on partage nos craintes, on se dit qu’on s’aime. On se met à la place de toutes ces familles déchirées par la perte de l’un de leurs. Ou du moins on essaye d’imaginer leur douleur, incommensurable. A ces terrasses, dans cette salle de concert, parmi les supporters dans les tribunes du Stade de France, ça aurait pu être nos frères, nos sœurs, nos parents, nos amoureux/ses, des amis. Aujourd’hui, je ne suis qu’à moitié les informations, après avoir passé la veille ma journée sur Twitter, BFM et compagnie. A la place, je m’enferme dans la cuisine et prépare des pancakes pour ma petite famille. Ma manière à moi d’apporter un peu de douceur dans ce monde brisé, et de créer du réconfort à grands renforts de pépites de chocolat.

Les jours d’après, la vie reprend peu à peu le dessus. A quelques différences près : des sursauts lorsqu’un bruit quelconque se fait entendre, des coeurs et des « je t’aime » qui se veulent plus nombreux, une manière quelque peu différente de respirer l’air pollué parisien. Et surtout, ces victimes de la barbarie qui resteront toujours à l’esprit et dans un coin du coeur, pour que jamais, jamais, on n’oublie que ce vendredi 13 novembre, ça aurait très bien pu être nous.

Prenez bien soin de vous, de vos proches, aimez-vous, aimons-nous. Tendres pensées pour les familles des victimes de cet acte ignoble.

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